Comment la littérature change le monde -
Dostoïevski, Péguy, Salomé, Levi, Darwich
12 septembre 2009
Palais du Luxembourg
Palais du Luxembourg, salle Monnerville
15ter, rue de Vaugirard - 75006 Paris (métro Odéon)
9h15-17h30
La littérature, pour paraphraser Baudelaire, est le "meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité" : elle est ce "sanglot qui roule d’âge en âge", témoignant de la condition humaine, en même temps que ce "flambeau" qui, en projetant sur toute chose une lumière spéciale, nous rend capable de changer de regard, et peut-être ultimement de transformer le monde, ou de "changer la vie", comme disait Rimbaud.
La question se pose néanmoins de savoir si la plume peut combattre l’épée et si la littérature porte en elle assez d’idéal pour accomplir une mission pacificatrice et civilisatrice. Peut-être sa vertu transformatrice s’exprime-t-elle d’abord, pour chacun, dans l’opération même de la lecture et le travail de défamiliarisation qu’elle implique.
Toute grande œuvre littéraire serait en ce sens "engagée", pour autant qu’elle entre en résonance avec le souci éthique qui est inséparable de l’expérience humaine et de ses remous historiques.
En se penchant sur quelques grandes figures de la littérature mondiale, deux nouvelles éditions des Journées de la Solidarité Humaine (2008 et 2009) permettront de mieux comprendre comment se constitue, à des époques et dans des cultures différentes, l’horizon d’un tel engagement, mais aussi d’en préciser les formes et les limites.
Il s’agira de voir notamment comment de grands auteurs poètes, romanciers ou dramaturges furent aussi de grands penseurs, en quête d’une voix qui puisse dire le monde, mais aussi d’une voie qui leur permette de rendre sensible l’aspiration à une forme d’humanité idéale, c’est-à-dire plus humaine, libérée des ténèbres de l’ignorance et de la violence.
L’ampleur du sujet imposait de ne pas se contenter d’une seule journée, mais de répartir les problèmes sur deux années, à travers deux journées distinctes.
La première ("Changer l’homme", septembre 2008), a été consacrée à la manière dont certains auteurs Rumi, Dante, Montaigne, Tagore, Hesse ou encore Camus, et Soljenitsyne - ont pensé et pratiqué la littérature comme moyen de changer l’homme individuellement, dans une perspective éthique.
La seconde journée, elle ("Changer le monde", septembre 2009) tentera d’explorer des œuvres qui, parfois même à travers la dénonciation de la barbarie, traduisent l’élan vers un idéal social ou politique, entendu dans le sens le plus noble du terme.
De l’Éthique dans la résistance, ou comment cheminer avec Mahmoud Darwich du chaos à la nouvelle Andalousie
par François Xavier
Présentation - Nous sommes en avril 1988. Voilà quatre mois que l’Intifada la Révolution des pierres s’est emparée des Territoires occupés. Paraît alors un poème de Mahmoud Darwich.
Un simple poème qui va déclencher une tempête politique. Un simple poème qui va déstabiliser le gouvernement israélien bien plus que ne l’aurait fait une série d’attentats ou une victoire militaire. Oui, un simple poème que le Premier ministre israélien, Ytzhak Shamir dénoncera à la tribune de la Knesset dans un aparté d’une rare violence.
Mais le 30 octobre 1991 s’ouvre la Conférence de Madrid, la toute première fois que des diplomates palestiniens et israéliens se retrouvent autour d’une même table. De là à penser que ce poème y est pour quelque chose
Mais pourquoi ce poème et pas un autre ?
Sans doute parce qu’il a trouvé les justes paroles. Sans doute parce que c’est Darwich qui l’a écrit. Porté aux nues depuis déjà deux décennies par tout le monde arabe, et pas seulement les Palestiniens, Darwich incarne l’utopie politique dont rêvent des millions d’êtres humains, de l’Euphrate à la côte Atlantique notamment.
N’ayant jamais fléchi, n’ayant jamais baissé l’échine, Darwich, depuis "Ecris, je suis arabe", transpose l’âme sémite au-delà des frontières et permet aux esprits de s’éclairer d’une autre réalité que celle imposée sempiternellement par voies de mass médias occidentaux.
Inscrivant son œuvre dans une éthique de la résistance, il reconnaîtra le supplice juif et l’existence d’Israël mais n’aura de cesse de combattre l’obscurantisme aliéné d’une politique sioniste qui le nie.
Brisé jusque dans sa chair par ce mur invisible qui lui refusera l’amour, il appellera de ses vœux à une nouvelle Andalousie, à la création d’un état binational où un homme serait l’égal de l’autre sans distinction de religion …
Sa parole libérée aura permis au monde d’évoluer vers une autre direction. Mais le plus dur reste à accomplir.
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Communication présentée le 12 septembre -
Je vous propose un petit voyage dans le temps : nous sommes en avril 1988. Voilà cinq mois que l’Intifada la Révolution des pierres s’est emparée des Territoires occupés. Ytzhak Rabin, alors ministre des armées, a ordonné à ses soldats de briser les bras des jeunes enfants pour qu’ils ne puissent plus lancer de pierres contre les soldats. Un film amateur tourné à bord d’un bus par un touriste américain a fait le tour du monde. L’opinion internationale commence à regarder d’un autre œil cette armée qui est censée défendre le monde libre contre des indigènes d’un autre âge …
Paraît alors un poème.
Un poème, un simple poème qui va déclencher une tempête politique. Un simple poème qui va déstabiliser le gouvernement israélien bien plus que ne l’aurait fait une série d’attentats ou une victoire militaire. Oui, un simple poème que le Premier ministre israélien, Ytzhak Shamir, dénoncera, le 28 avril, à la tribune de la Knesset dans une allocution d’une rare violence :
"L’expression exacte des objectifs recherchés par les bandes d’assassins organisés sous le paravent de l’OLP, vient d’être donnée par l’un de leurs poètes, Mahmoud Darwich, soi-disant ministre de la Culture de l’OLP et dont on se demande à quel titre il s’est fait une réputation de modéré … J’aurais pu lire ce poème devant le Parlement, mais je ne veux pas lui accorder l’honneur de figurer dans les archives de la Knesset."
Cette réaction est contestable à double titre : elle viole, d’une part, le droit fondamental que possède tout écrivain d’être lu dans son authenticité et non dans des traductions orientées ; elle ose, d’autre part, remettre en cause la liberté de tout homme de revendiquer sa terre pour patrie. Cela, plus que tout, est inacceptable surtout venant du représentant du peuple juif qui fut durant des siècles le peuple du Livre et, à ce titre, rejeté, persécuté et voué à l’extermination. L’agression dont a été victime Mahmoud Darwich et à travers lui tout le peuple palestinien prend donc une toute autre signification … Fort heureusement des citoyens israéliens de premier plan se sont aussitôt levés pour apporter leur soutien, parmi lesquels Simone Bitton, Ouri Avnéri et Mati Peled.
Mais de quoi s’agit-il exactement ?
De cinq strophes qui ont le mérite d’imposer une vision juste de la situation. Cinq strophes malmenées au gré des traductions faites par les offices d’information israéliens qui travestirent à dessein certains vers. Cinq strophes qui ont permis aussi d’illustrer l’arrogance dont tant de prétendus hommes de paix israéliens font preuve à l’égard des palestiniens.
Mais avant d’aller plus loin, découvrons ces cinq petites strophes qui ont fait couler tant d’encres et démontré qu’un stylo bien affûté est plus efficace qu’un millier de cartouches brûlées sur des innocents …
Lire la suite (texte intégral présenté sous format PDF - les passages en gras n'ont pas été lus, à la demande des organisateurs afin de rester dans les temps qui étaient impartis pour cette communication)