Opéra poétique écrit par Mahmoud Darwich
Composé et dirigé par Marcel Khalifé
Vocals : Marcel Khalifé and Oumayma el-Khalil
Chorus : al-Mayadine
Recording : by Pass Studios, Beirut, Lebanon
Mastering : Sunrise Sound Studios, Houston, TX, USA
Producer : Nagam Records, Inc.
1984
Livret traduit de larabe (Palestine) par Etel Adnan
depuis vingt ans il pose des questions
depuis vingt ans il voyage
pendant vingt ans sa mère la mis au monde
en quelques secondes
sous le bananier
avant de se retirer
Il réclame une identité
il est frappé par un volcan
les nuages ont voyagé et mont égaré
les montagnes ont étendu leurs bras et mont caché
je suis Ahmad lArabe, a-t-il dit
je suis la balle lorange la mémoire
jai trouvé mon âme près de mon âme
je me suis éloigné de la rosée et de la vue sur la mer
et moi le pays réincarné
je suis le départ continu vers le Pays
jai trouvé mon âme remplie de mon âme
Ahmad a pris possession de ses côtes et de ses mains
Lui le pas et létoile
et du Golfe à lOcéan
de lOcéan au Golfe
ils aiguisaient leurs lames
Ahmad lArabe
est monté pour voir Haïfa
et sauter.
A deux mains de pierre et de thym
je dédie ce chant à Ahmad loublié entre deux papillons
les nuages ont passé et mont égaré
et les montagnes ont étendu leurs bras et mont caché
Descendant de la blessure ancienne
et lannée marquait la séparation de la mer
davec les villes de cendres
jétais seul
ô seul
Et Ahmad était lexil de la mer entre
deux coups de feu
le camp grandissait donnant naissance à du thym
et à des combattants
le bras sest raffermi dans loubli
la mémoire sest exercée dans les trains qui sen vont
sur les quais où il ny a ni personne ni jasmin
la découverte de soi se faisait dans les voitures
ou sur la scène de la mer
dans la solidarité des nuits de prison
dans les courtes liaisons
et dans la recherche de la vérité
Dans toute chose Ahmad trouvait son contraire
Ahmad est maintenant lotage
la ville sest dépêchée au devant de ses rues
pour venir le tuer
et de lOcéan au Golfe
et du Golfe à lOcéan
ils préparaient ses funérailles
et décidaient de la guillotine
Moi Ahmad lArabe que soit le Siège !
mon corps sert de remparts que soit le Siège !
je suis la frontière du feu, que soit le Siège !
et moi je vous assiège à mon tour, je vous assiège
et ma poitrine servira de porte à tous que soit le Siège !
Ce chant ne vient pas peindre Ahmad
le bleu foncé dans la tranchée
je suis au-delà des souvenirs
Aujourdhui est le jour du soleil
et de lys
ô enfant éparpillé entre deux fenêtres qui brouillent
mes messages,
résiste !
toute ressemblance est du sable
mais toi tu es bleu.
Je compte mes côtes :
le Barada séchappe de mes mains
les berges du Nil mabandonnent au loin
je cherche les limites de mes doigts
et toutes les capitales sont faites décume.
Ahmad frotte les heures dans la tranchée
Ce chant ne vient pas peindre Ahmad le brûlé en bleu
Cest Ahmad le cosmique dans ce réduit étroit
le déchiré le rêveur
il est la balle orange la violette de plomb
il est lembrasement décisif dun début daprès-midi
le jour de liberté.
ô enfant dédié à la rosée
résiste !
ô pays gravé sur mon sang
résiste !
maintenant je complète en toi mon chant
je rejoins ton siège
maintenant je complète en toi ma question
je nais de ta poussière
vs dans mon cur
tu y trouveras mon peuple
devenu peuples multiples dans ton explosion.
Egaré dans les détails
je me suis fié à leau et me suis cassé
Faut-il que chaque fois quun coing soupire
j'oublie les limites de mon cur
et me réfugie dans le siège pour affirmer mon identité
ô Ahmad lArabe !
Lamour ne ma jamais menti
pourtant chaque fois que le soir est venu
je me suis retrouvé englouti dans une cloche lointaine
je me suis réfugié dans ma propre hémorragie
pour y définir à nouveau mon image
ô Ahmad lArabe !
je nai pas lavé mon sang dans le pain de lennemi
pourtant les routes proches lointaines
ont fui sous mes pas
chaque fois que jai apprivoisé une ville
elle ma jeté ma valise à la figure
et je me suis réfugié sur le trottoir du rêve et de la poésie
ô combien ai-je marché vers mon rêve
devancé par des poignards
ô rêve et ville de Rome !
Tu es beau dans ton exil
et assassiné à Rome
et Haïfa
Ahmad est la montée du Carmel
l'origine de la rosée, le thym de chez soi
et la maison.
Ne le volez pas aux hirondelles
ne lenlevez pas à la rosée
des yeux ont écrit son oraison funèbre
abandonnant mon cur à lécho
ne le volez pas à léternité
et ne dispersez pas ses cendres sur la Croix
il est la carte et le corps
et le feu qui brûle les rossignols
ne le volez pas aux pigeons
ne lenvoyez pas au devoir
ne faîtes pas de son sang une décoration
car il est la violette sertie dans son propre velours
Avançant vers la guérison du rêve
il voit des banalités prendre forme de poire
les pays se détruire dans les bureaux
et les chevaux se débarrasser de leurs valises
tandis que transpirent les galets.
Jembrasse le silence de ce sel
je rends le discours du citron au citron
jallume un cierge pour les fleurs
et pour le poisson séché
à partir de ma blessure ouverte,
les galets ont une transpiration et des miroirs
le bûcheron a un cur de colombe.
Je toublie parfois pour que moublient
les agents de la sécurité
ô ma femme si belle,
toi qui coupes le cur et loignon tendre
et ten vas auprès de la violette
souviens-toi de moi avant que je noublie mes mains.
Sur le chemin de la guérison du rêve
les chaises sont prises entre mes arbres et ton ombre
Ils sabattent sur ta blessure
comme des mouches saisonnières
et y disparaissent comme des voyeurs
souviens-toi de moi avant que je noublie mes mains !
Mes efforts vont aux papillons
les rochers sont mes messages sur terre :
Troie nest pas mon lieu
Massada nest pas mon temps
je mélève de la sécheresse du pain
et de leau réquisitionnée
du cheval perdu sur le chemin de laéroport
et de lair de la mer, je mélève
des éclats dobus auxquels mon corps sest accoutumé
je mélève des yeux de ceux qui arrivent
et des couchers de soleil sur la plaine
je mélève des caisses de légumes
et de la force des choses, je mélève
jappartiens au ciel original et aux pauvres des ruelles
qui chantent
qui résistent
et qui tiennent
et qui tiennent
Le camp formait le corps dAhmad
Damas formait les paupières dAhmad
le Héjaz formait lombre dAhmad
le Siège est devenu le passage dAhmad
au-dessus des curs de millions de prisonniers
le Siège est devenu lassaut dAhmad
et la mer sa dernière balle !
ô la taille du vent
ô la douce semaine !
ô nom des yeux ô écho de marbre
ô Ahmad qui est né de la pierre et du thym !
Tu diras : non
tu diras : non
ma peau est lhabit du paysan qui viendra des champs de tabac abolir les capitales
tu dis : non
mon corps est le manifeste des ouvriers des industries légères
des répétitions et des épopées vers la conquête de létape
et tu dis : non
ô corps marqué par les flancs des montagnes
et des soleils à venir !
et du dis : non
ô corps qui épouse les vagues au-dessus de la guillotine
et tu dis : non
et tu dis : non
et tu dis : non
tu meurs près de mon sang et revis dans la farine
nous avons créé le jasmin
pour que le visage de la mort disparaisse de nos mots
va loin dans les nuages et les plantations
il ny a pas de temps pour lexil et pour ce chant
jette-toi dans le courant de la mort qui nous entraîne
pour que nous tombions malades de la patrie simple et
du jasmin probable
va vers ton sang qui est prêt à se répandre
va vers mon sang unifié à ton siège
il ny a pas de temps pour lexil
ni pour les belles photos quon accroche
sur les murs des avenues
ni pour les funérailles
ni les vux
Les oiseaux ont écrit leurs oraisons funèbres et mont égaré
les champs se sont dénudés et mont accueilli
va loin dans mon sang ! va loin dans la farine !
pour que nous tombions malades de la patrie simple et
du jasmin probable
ô Ahmad le quotidien !
ô nom de ceux qui sont à la recherche de la rosée
et de la simplicité des noms
ô nom de lorange
ô Ahmad lordinaire !
comment as-tu effacé la différence verbale
entre le rocher et la pomme
entre le fusil et la gazelle ?
il ny a pas de temps pour lexil et pour ce chant
Nous irons dans le Siège jusquà la fin des capitales
va en profondeur dans mon sang
deviens des échelles
ô Ahmad lArabe résiste !!
il ny a pas de temps pour lexil et ce chant
Nous irons dans le Siège
jusqu'au quai du pain et des vagues
voici mon domaine, le domaine de la patrie immuable :
la mort devant le rêve où un rêve se meurt sur les slogans
va en profondeur dans mon sang
et va en profondeur dans la farine
pour que nous attrapions la maladie de la patrie simple
et du jasmin probable
il a les détours de lautomne
il a les testaments de lorange
il a les poèmes des blessures
il a les rides des montagnes
il a les applaudissements
il a les noces
il a les magazines illustrés
il a les oraisons réconfortantes
les affiches
le drapeau
les progrès
la fanfare
les faire-part
et tout et tout et tout
quand il découvre son visage à ceux qui fouillent les traits de ce visage
ô Ahmad linsoumis !
Comment nous as-tu habité pendant vingt ans et as-tu disparu
et ton visage est-il demeuré dans le mystère
comme le midi
ô Ahmad secret comme le feu et les forces
fais apparaître ton visage populaire en nous
et lis ton dernier testament ?
ô spectateurs dispersez-vous dans le silence
et éloignez-vous un peu de lui pour pouvoir retrouver
en vous le blé et deux mains nues
éloignez-vous un peu de lui pour quil lise son testament
sur les morts sils meurent
pour quil jette les traits de son visage sur les vivants
si vivants ils sont !
Ahmad mon frère !
tu es ladorateur et ladoré et le lieu de ladoration
quand vas-tu témoigner
quand vas-tu témoigner
quand vas-tu témoigner ?