Poèmes traduits de l'arabe (Palestine) par Elias Sanbar
76 pages - 18,00 €
Actes Sud, mai 2011 copyright Succession MD, 2011
Le point de vue des éditeurs :
Écrits entre 1977 et 1992, les poèmes publiés dans cette anthologie sont extraits de cinq recueils de Mahmoud Darwich. S'ajoutant aux textes de la même période déjà disponibles en français, ils permettent de mieux connaître une étape charnière de son itinéraire poétique entre Beyrouth, Tunis et Paris.
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Extraits
Éloge de l'ombre haute
Poème documentaire
(...)
Beyrouth / L'après-midi
Les insectent prolifèrent.
L'humidité s'accroît.
Les mucles se relâchent.
Nous sentons que la terre
est à l'étroit dans nos articulations
et nous crions : O toi le héros,
brise-toi en nous !
(...)
Beyrouth / La nuit
Pareille à une aubergine...
Une lune idiote est passée au-dessus de la guerre
et les enfants n'ont pas enfourché les chevaux
en son honneur.
Beyrouth / La nuit
Je tiens à présent l'air noir rocheux.
Je le brise de mes dents, je le mords,
le mets en sang puis le botte.
Ce qui change les heures... en sable,
me rend presque fou.
(...)
Beyrouth / La nuit
Je n'ai trouvé en toi ni la cellule ni l'île.
Où la poésie est-elle morte !
Où Layla a-t-elle cédé à son mari ?
(...)
Sabra - jeune fille endormie.
Les hommes sont encore partis,
la guerre a dormi deux courtes nuits
et, Beyrouth, soumise, est devenue une capitale...
Une longue nuit
guette les rêves à Sabra
et Sabra dort.
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Nous choisirons Sophocle
(...)
Voici nos jours
qui apparaissent pour nous assoiffer encore...
Dans la cohue des plaies anciennes,
nous n'avons pas reconnu notre blessure.
Mais ce lieu-saignement est désigné par nos noms.
Nous n'étions pas coupables d'être nés là
ni coupables... si tant d'envahisseurs
se sont, là, levés contre nous,
qui aimaient nos louanges du vin, nos légendes
et l'argenté de nos oliviers.
Nous n'étions pas coupables si les vierges
de Canaan ont suspendu leurs sarouals
aux têtes des bouquetins
pour que mûrissent les prunes des plaines
ni coupables... si d'autres conteurs
se sont emparés de notre alphabet
pour décrire notre terre,
tout comme nous, tout comme nous.
Voici nos voix
et les leurs qui se croisent au-dessus des collines,
même l'écho à l'écho.
Le ney se mêle alors au ney et le vent aboie et aboie en vain.
Comme si nos chants en automne
étaient leurs chants en automne.
Comme si ce pays nous soufflait nos mots...
Mais la fête de l'avoine nous appartient,
Jéricho nous appartient et nous appartiennent
nos traditions dans les louanges des demeures
et la culture du blé et de la marguerite des près.
Paix sur la terre de Canaan,
terre de la gazelle
et du pourpre.