Voici ton nom,
Dit une femme
Puis elle disparut dans la spirale du couloir.
( )
Un jour je serai ce que je veux.
Un jour je serai une idée quaucun glaive ne porte
A la terre désolée, aucun livre
Une idée pareille à la pluie sur une montagne
Fendue par la pousse dun brin dherbe.
Et la force naura pas gagné,
Ni la justice fugitive.
Un jour je serai ce que je veux.
Un jour je serai oiseau et, de mon néant,
Je puiserai mon existence. Chaque fois que mes ailes se consument,
Je me rapproche de la vérité et je renais des cendres.
Je suis le dialogue des rêveurs.
Jai renoncé à mon corps et à mon âme
Pour accomplir mon premier voyage au sens,
Mais il me consuma et disparut.
Je suis labsence. Je suis le céleste
Pourchassé.
Un jour je serai ce que je veux.
Un jour je serais poète
Et leau se soumettra à ma clairvoyance.
Métaphore de la métaphore que ma langue
Car je ne dis ni nindique
Un lieu. Et le lieu est mon péché et mon alibi.
Je suis de là-bas.
Mon ici bondit de mes pas vers mon imagination
Je suis qui je fus, qui je serai
Et lespace infini me façonne, puis me tue.
( )
Un jour je serai ce que je veux.
Voici ton nom,
Dit une femme
Puis elle disparut dans le couloir de sa blancheur.
Voici ton nom. Retiens-le bien !
Ne vous chamaillez pas pour une lettre
Et ne te soucie pas des bannières des tribus.
Sois lami de ton nom horizontal,
Teste-le sur les vivants et les morts,
Entraîne-le à la bonne diction en compagnie des étrangers,
Trace-le sur une paroi de la caverne.
O mon nom : tu grandiras quand je grandirai,
Tu me porteras et je te porterai,
Car létranger est un frère pour létranger.
Nous capturerons la femelle avec la voyelle longue dévolue aux flûtes.
O mon nom : où sommes-nous à présent ?
Dis ! Quest aujourdhui ? Quest demain ?
Quest le temps, le lieu,
Lancien, le nouveau ?
Un jour nous serons ce que nous voulons.
Le voyage na pas commencé, le chemin na pas abouti,
Les sages nont pas atteint leur exil
Ni les exilés, leur sagesse.
Des fleurs, nous navons connu que les coquelicots.
Montons donc au plus haut des fresques :
Verte est la terre de mon poème, haut,
Parole de Dieu à laube que la terre de mon poème
Et je suis le lointain,
Le lointain.
Dans chaque vent une femme se joue de son poète :
Emprunte la direction que tu mas offerte,
La direction qui sest brisée,
Et rends-moi ma féminité
Car il ne me reste que la contemplation
Des rides du lac. Déleste-moi de mon lendemain,
Rends-moi le passé et laisse-nous, seuls, ensemble.
Rien, après toi, qui parte
Ou revienne.
Reprends le poème si tu le désires.
Je nai que toi en lui.
Reprends ton moi. Jachèverai lexil
Avec ce que tes mains ont laissé de lettres aux mouettes.
Qui de nous eux est moi, que je sois sa fin ?
Une étoile tombera entre lécrit et le dit
Et le souvenir confiera ses pensées : Nous sommes nés
Aux temps de lépée et de la flûte,
Entre figues et figuiers de Barbarie. La mort était plus lente.
Elle était plus nette. Elle était une trêve pour les passants
A lembouchure du fleuve.
Désormais tout est machinal.
Aucun assassin ne prête loreille aux victimes,
Nul martyr ne donne lecture de son testament.
( )
Dans la jarre brisée, les femmes du littoral syrien
Se plaignent de la longueur du chemin
Et brûlent sous le soleil daoût.
Je les ai vues sur le chemin de la source avant ma naissance.
Jai entendu leau les pleurer dans largile :
Revenez au nuage et les beaux jours reviendront.
( )
Le temps est zéro. Je nai pas pensé à la naissance
Lorsque la mort memporta dans le chaos.
Je nétais ni vivant ni mort
Et il ny avait ni néant ni existence.
Mon infirmière dit : Votre état saméliore.
Puis elle minjecte un calmant. Restez calme,
Digne de ce dont vous rêvez
Sous peu
Jai vu mon médecin français
Ouvrir la porte de ma cellule et,
Aidé par deux policiers de banlieue,
Me frapper avec un bâton.
Jai vu mon père revenu
Evanoui du pèlerinage,
Victime dun coup de soleil hijazien,
Dire à une volée danges lentourant :
Eteignez-moi !
Jai vu des jeunes Maghrébins
Jouer au ballon
Et me lancer des pierres : Repars, et ton Verbe,
Et laisse-nous notre mère,
O père qui tes trompé de cimetière !
Jai vu René Char
En compagnie de Heidegger
Je les ai vus
A deux mètres de moi,
Boire du vin
Sans quête de poésie
Leur dialogue était un fil de lumière
Et un lendemain fugace patientait.
Jai vu mes trois compagnons se lamenter
Tandis
Quils me cousaient un linceul
Avec des fils dor.
( )
Jai vu des pays menlacer
De leurs bras matinaux : Sois
Digne de lodeur du pain,
Que les fleurs du trottoir taillent bien,
Car lâtre de ta mère brûle toujours
Et le salut est encore chaud comme le pain !
Verte, verte la terre de mon poème. Un seul fleuve suffit pour que je murmure au papillon : O mon frère. Un seul fleuve suffit pour soudoyer les légendes anciennes, quelles demeurent sur laile du faucon lorsquil remplace bannières et sommets lointains, là où les armées ont édifiés les royaumes de loubli à mon intention. Aucun peuple nest plus petit que son poème. Mais les armes élargissent encore les mots à lattention des vivants et des morts qui les habitent, les lettres font briller le glaive à la ceinture de laube et le désert manque de chansons ou en déborde.
Aucune vie ne suffit pour que je tire ma fin à mon commencement.
Les pâtres ont emporté mon histoire et se sont enfoncés dans la végétation qui recouvre les attraits des vestiges. Ils ont vaincu loubli par les trompes et la prose rimée indivise. Ils mont légué la raucité du souvenir sur la pierre de ladieu et ne sont pas revenus
( )
Qui es-tu, mon moi ?
Nous sommes deux sur le chemin
Et un, dans la résurrection.
Emporte-moi vers la lumière de lanéantissement,
Que je voie mon devenir dans mon autre image.
Qui serai-je après toi, mon moi ?
Mon corps est-il derrière moi ou devant moi ?
Qui suis-je, ô toi ?
Fais-moi comme je tai fait,
Enduis-moi de lhuile damande,
Ceins-moi de la couronne de cèdre
Et porte-moi de la vallée vers une éternité
Blanche.
Enseigne-moi la vie à ta manière.
Eprouve-moi, atome dans le monde céleste.
Aide-moi contre lennui de léternité et sois clément,
Lorsque me blessent et pointent de mes veines
Les roses
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Chaque foi que je me suis retourné sur la première des chansons,
Jai vu les traces de la gélinotte sur les mots.
Je ne fus pas un enfant heureux
Pour dire : Hier est toujours plus beau.
Mais le souvenir possède deux mains légères qui enfièvrent la terre.
Le souvenir a les parfums dune fleur nocturne qui pleure
Et, dans le sang de lexilé, réveille son besoin de déclamer :
" Sois le comble de ma tristesse et je trouverai mon temps "
Et je nai besoin que dun battement de mouette pour suivre
Les vaisseaux anciens.
Quel est le temps passé depuis notre découverte de ces jumeaux :
Le temps et la mort naturelle synonyme de vie ?
Et nous vivons toujours comme si la mort ne nous atteignait pas
Doués de mémoire,
Nous pouvons nous libérer sur les pas verts de Gilgamesh
Allant dun temps à un autre temps
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Ce nom mappartient
Et il appartient à mes amis, où quils se trouvent.
Et mon corps passager, présent ou absent, mappartient
Deux mètres de cette tourbe suffiront désormais
Un mètre et soixante-quinze centimètres pour moi
Et le reste, pour des fleurs aux couleurs désordonnées
Qui me boiront lentement. Et mappartenait
Ce qui mappartenait, mon passé, et ce qui mappartiendra,
Mon lendemain lointain et le retour de lâme prodigue.
Comme si rien navait été.
Comme si rien navait été.
Rien quune blessure légère au bras du présent absurde
Et lHistoire se rit de ses victimes
Et de ses héros
Elle leur jette un regard et passe
Cette mer mappartient.
Cet air humide mappartient.
Et mon nom,
Quand bien même je prononcerais mal mon nom gravé sur le cercueil,
Mon nom mappartient.
Mais moi, désormais plein
De toutes les raisons du départ, moi,
Je ne mappartiens pas,
Je ne mappartiens pas,
Je ne mappartiens pas