Breyten Breytenbach Outre-voix / Voice over
Conversation nomade avec Mahmoud Darwich
édition bilingue français / anglais
traduits de l'afrikaans par Georges Lory
Actes Sud, novembre 2009
Présentation des éditeurs
Eté 2008. À la mort du poète palestinien Mahmoud Darwich, Breyten Breytenbach décide de poursuivre sa conversation interrompue avec son ami. Elle prend désormais la forme de ce long poème. Poète et romancier, peintre et ancien prisonnier politique, Breyten Breytenbach est d'origine Sud africaine.
Critique à l'égard de la politique en cours, et pensant être aujourd'hui plus utile à l'extérieur quà l'intérieur, Breyten Breytenbach dirige depuis quelques années, à Gorée (Sénégal), l'Institut de Recherche et d'Accueil pour la démocratie, le développement et la culture.
Un lieu où l'imaginaire peut de nouveau exister, et l'Afrique être à nouveau rêvée...
« Le poète palestinien Mahmoud Darwihc (1941-2008) était un de mes amis. La nouvelle de son décès, au cours d'une opération à coeur ouvert dans un hôpital de Houston, m'est parvenue sur l'île de Gorée. Quelques semaines auparavant, nous nous trouvions en Arles, dans le sud de la France.
Même à midi le hall de notre hôtel était crépusculaire. Un sourire aux lèvres, il évaluait ses chances de survie.
Ce soir-là, en plein air, dans un antique théâtre romain, tandis que le soleil se couchait dans sa lave jaune et que toutes sortes d'oiseaux célébraient la douceur accumulée d'un jour d'été, il a lu pour la dernière fois son oeuvre en public. Les poèmes étaient traversés par un dialogue avec la mort.
Immédiatement après son décès, j'ai commencé cette série de poèmes, comme des fragments de la conversation que je poursuivrais avec lui.
(...)
Je considère ces fragments comme un hommage. Mais aussi comme une tentative de lever le voile sur ce visage désormais silencieux. Toute sa vie Mahmoud Darwich a été très productif. On aurait pu dialoguer sans fin.
(...)
Le voyage continue et le dialogue se poursuivra afin de chercher Mahmoud Darwich entre les mots. »
B. Breytenbach, New York, décembre 2008
Extrait de la note qui clôt Outre-voix.
Extraits
1
au moment de mourir, Mahmoud
ton aorte se débat
comme éclate un serpent pourpre
car les versets n'arrivent plus
à filer la parfaite métaphore
de ton coeur jaillit tel un poème
le sang ultime
dans cet hôpital étranger
du pays barbare,
ton coeur enfin
devenu oiseau sans ailes
la lune pousse au-dessus de l'île
parmi les nuages ondulants
de cette "petite saison d'hiver"
qui répandra bientôt son encre sombre
en longs vers sur les vagues
les corbeaux les chèvres et les enfants crottés
pourront clapoter en chanson dans la boue
comme s'ils célébraient la libération
trois, quatre, cinq jours et nuits
invisibles de jour, invisibles comme la mort
comme la surface d'une strophe les mots
pourrissent dans la nuit
le temps telle la faucheuse prend son temps
sur les champs du corps
abandonnée la toison sa fane
les ombres sur la terre nue
s'écaillent comme des touffes de chair
la lune se gonfle virginale et pleine