Sa poésie, adulée dans le monde arabe, chante lexil, la guerre, la prison, lamour. On lérige en champion de la cause palestinienne, mais il cherche farouchement à se démarquer dune image de militant. Récital exceptionnel ce soir à Genève. Il est sans conteste lun des plus grands poètes arabes contemporains, un intellectuel palestinien qui a marqué notre époque. Depuis très jeune, il mène son combat à lui, avec son armée de mots, plus percutants que des balles. De par le monde, Palestiniens et Arabes ont bu ses vers comme un élixir de vie, sy sont accrochés comme à une bouée et ont érigé le poète en mythe national. Ce succès populaire teinté dengagement, il le doit en grande partie aux nombreux artistes qui ont chanté ses vers. Pourtant Mahmoud Darwich na jamais voulu être ni héros ni victime, seulement un homme, apatride, avec les souffrances et les joies simples de tout être humain. Cest sûrement cette volonté farouche de se démarquer de toute forme de militantisme qui donne à sa poésie une telle force. Invité cette semaine à Genève, il a donné un récital splendide au Palais des Nations à Genève devant un parterre de plus de mille personnes.
Son histoire ressemble à celle de milliers de Palestiniens : fuite de Saint-Jean dAcre en 1948, puis une vie de nomade entre le Liban, la Tunisie, Israël, Paris. Cest lors de son second départ de Palestine, en 1970, que le mythe Mahmoud Darwich émerge, en même temps que celui de lOLP (Organisation de libération de la Palestine) qui forme un état dans létat au Liban. Il devient alors le poète de lexil à qui chaque Palestinien peut sidentifier. Tandis que son uvre est lun des meilleurs ambassadeurs de la cause palestinienne dans le monde.
Pourtant sans relâche, il cherche à maintenir une distance entre sa poésie et la politique. Mais la portée de ses poèmes, composés à partir de situations des plus banales, échappe à son contrôle. Inscris, je suis arabe en est une illustration. Mahmoud Darwich, alors âgé de 20 ans, devait remplir un formulaire au Ministère israélien de lIntérieur. Sous la rubrique "nationalité", il écrit Arabe. Le stylo en tombe des mains du fonctionnaire : "Arabe ?" "Oui, inscris, je suis arabe !" répond Darwich. Cet épisode, il le traduira en vers en 1962. Le poème connaît un retentissement phénoménal dans le monde arabe après la victoire dIsraël en 1967. "Plus ce poème avait du succès, plus il mirritait, raconte Darwich. Que les Arabes aient besoin de quelquun qui leur rappelle leur arabité nest pour le moins pas très normal !"
Son identité de Palestinien, il la vit au plus proche de ses convictions quitte à décevoir. Ainsi, il démissionne du Comité exécutif de lOLP en 1993 au moment de la signature des accords dOslo soutenant quil ne peut pas "assumer la responsabilité" dune telle décision. Il dénonce avec la même véhémence la mauvaise volonté dIsraël et le cynisme de la direction palestinienne.
Des amis israéliens, il en a toujours eu. Dans sa jeunesse, il milite au Parti communiste israélien où Juifs et Arabes se mélangent. En 2000, Ehud Barak, ministre de léducation introduit ses poèmes dans le programme scolaire, au grand dam de la droite. Au terme dun long débat à la Knesset (parlement), ses poèmes sont maintenus à titre facultatif.
Mahmoud Darwich en quelques dates
1941 : naissance près de Saint Jean dAcre
1948 :1er départ familial au Liban
1950 : retour clandestin en Galilée
1960-70 : milite au sein du Parti communiste israélien, emprisonné à plusieurs reprises
1970 :fuit dIsraël, sinstalle à Beyrouth
1982 : Quitte volontairement Beyrouth avec lOLP, vit entre Paris et Tunis
1993 : démissionne du comité exécutif de lOLP
depuis 1996 : vit entre Ramallah et Paris.