titre original : Hâlat hisâr
éditeur original : Riad el-Rayyes, Beyrouth, 2002
Actes Sud / Sindbad, 2004
Ramallah 2002 - lecture de "À un assassin"
Extraits:
Ici, sur les pentes des collines, face au couchant
Et à la béance du temps,
Près des vergers à lombre coupée,
Tels les prisonniers,
Tels les chômeurs,
Nous cultivons lespoir.
( )
De plomb, le ciel de midi,
Orangé, la nuit. Quant aux curs,
Ils sont restés neutres ainsi que les roses de la clôture.
*
Dans le siège, la vie est lintervalle
Entre le souvenir de son achèvement
Et loubli de sa fin.
*
La vie.
La vie, toute la vie
Avec ses carences,
Accueille des étoiles voisines,
Sorties du temps,
Et des nuages migrants,
Sortis du lieu.
Et la vie ici
Se demande
Comment leur redonner vie.
( )
[A un assassin]
Si tu avais contemplé le visage de la victime,
Réfléchi, tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre à gaz,
Tu te serais délivré de la sagesse du fusil
Et tu aurais changé davis :
Ce nest pas ainsi que lon recouvre son identité !
*
[A un autre assassin]
Si tu avais laissé trente jours au ftus,
Les possibilités auraient été autres :
Loccupation finie, le nouveau-né aurait oublié
Les temps du siège,
Il aurait grandi en bonne santé, serait devenu un jeune homme,
Aurait étudié avec lune de tes filles
Lhistoire ancienne de lAsie
Et ils auraient pu saimer,
Donner jour à une fille (et elle serait juive de naissance !).
Quas-tu donc fait ?
Ta fille est aujourdhui veuve,
Ta petite-fille, orpheline.
Quas-tu fait de ta famille fugitive ?
Comment as-tu pu, dune seule balle, abattre trois colombes ?
( )
Ce siège durera jusquà ce que lassiégeant,
Comme lassiégé, réalise que lennui
Est lun des attributs de lHomme.
*
Vous qui veillez ! Nêtes-vous pas fatigués
De surveiller la lumière dans notre sel ?
Et du feu des roses dans notre plaie,
Nêtes-vous pas fatigués, vous qui veillez ?
( )
Pays au point de laube,
Réveille ton cheval
Et monte
Léger, léger,
Pour devancer ton rêve.
Et si le ciel te retardait,
Assieds-toi sur une roche qui soupire.
( )
[A un poète]
Chaque fois que labsence ta abandonné,
Tu tes trouvé impliqué dans la solitude des dieux.
Sois donc "le dedans" errant de ton dehors
Et "le dehors" de ton dedans,
Sois présent dans labsence.
( )
[A un gardien de prison]
Je tapprendrai lattente
A la porte de ma mort ajournée.
Prends ton temps, prends ton temps,
Tu pourrais en avoir assez de moi,
Me libérer de ton ombre
Et entrer dans ta nuit,
Libéré de mon fantôme !
( )
Cette terre est basse, haute,
Sainte, adultère,
Nous ne nous soucions pas de la science des attributs,
Car la fente,
La fente des cieux,
Pourrait devenir
Géographie !
*
Le martyr massiège tous les jours de ma vie.
Il me demande : Où étais-tu ?
Rends aux dictionnaires tous les mots
Que tu mavais offerts,
Et pour les dormeurs, réduis le grondement de lécho !
( )
Mes amis me préparent toujours une cérémonie
Dadieux, une tombe confortable à lombre des chênes,
Une stèle en marbre inaltérable.
Mais je les précède toujours aux funérailles :
Qui est donc mort Qui ?
( )
Que la paix soit sur celui qui partage
Mon ivresse de lumière, la lumière du papillon
Dans la nuit de ce tunnel.
( )
La paix, deux ennemis qui rêvent chacun
De bâiller sur les trottoirs de lennui.
La paix, gémissements de deux amants qui se lavent
Au clair de lune.
( )
La paix, chant funèbre pour le cur du jeune homme transpercé par un grain de beauté,
Non par les balles ou les éclats dobus.
La paix, chanter une vie, ici, dans la vie,
Sur la corde de lépi.